Actualité du recouvrementQue faire avec les chèques mal libellés ?

Que faire avec les chèques mal libellés ?

Le chèque bancaire demeure un moyen de paiement encore largement utilisé en France, notamment dans les échanges entre professionnels, pour le règlement de prestations, de salaires ou de créances diverses. Malgré la dématérialisation croissante des moyens de paiement, le chèque conserve une valeur juridique forte. Toutefois, sa validité repose sur le respect de plusieurs mentions obligatoires. Un chèque mal libellé peut entraîner de lourdes conséquences pour le bénéficiaire comme pour l’émetteur : rejet de paiement, impossibilité d’encaissement, voire litiges civils. Cet article présente de manière rigoureuse les erreurs les plus fréquentes, leurs impacts et les recours disponibles.


Qu’est-ce qu’un chèque mal libellé ?

Un chèque mal libellé est un chèque comportant une anomalie formelle, une omission, une contradiction ou une erreur matérielle qui remet en cause sa validité ou son encaissement. Ces erreurs peuvent être :

  • des mentions obligatoires absentes ;

  • des incohérences entre le montant en chiffres et en lettres ;

  • des erreurs dans le nom du bénéficiaire ;

  • une signature absente ou non conforme ;

  • une date postérieure ou absurde.

Ces défauts peuvent conduire la banque à refuser l’encaissement, ou retarder le traitement du chèque, générant ainsi des désagréments financiers voire juridiques pour les deux parties.


Les mentions obligatoires d’un chèque

Conformément aux dispositions du Code monétaire et financier (article L131-2), un chèque doit contenir les éléments suivants pour être juridiquement valable :

  1. La mention « chèque » inscrite sur le document.

  2. L’ordre de payer une somme déterminée.

  3. Le nom du tiré, c’est-à-dire la banque qui doit payer.

  4. Le lieu de paiement (souvent l’adresse de la banque).

  5. La date et le lieu d’émission du chèque.

  6. La signature de l’émetteur.

  7. Le nom du bénéficiaire, bien que le chèque puisse aussi être au porteur.

  8. Le montant, inscrit en lettres et en chiffres.

L’absence ou l’erreur sur l’un de ces éléments peut, selon les cas, entraîner l’invalidité du chèque ou son rejet à l’encaissement.


Les erreurs fréquentes et leurs conséquences

1. Erreur sur le montant

Lorsque le montant en chiffres ne correspond pas au montant en lettres, c’est la mention en lettres qui prévaut juridiquement, conformément à la jurisprudence constante. Cependant, une trop grande divergence peut entraîner le rejet par la banque.

Exemple :

  • Montant en chiffres : 250,00 €

  • Montant en lettres : deux mille cinq cents euros

Résultat : incohérence grave, le chèque sera bloqué jusqu’à régularisation.

2. Absence de signature

Un chèque non signé est automatiquement nul. Il ne peut être honoré, même si toutes les autres mentions sont correctes. Il faudra alors demander un nouveau chèque à l’émetteur.

3. Date erronée ou absente

La date d’émission est obligatoire. Un chèque sans date peut être considéré comme non valable. De même, une date postérieure (chèque antidaté ou postdaté) est interdite en droit français : la banque est tenue de payer à vue, peu importe la date indiquée.

4. Bénéficiaire mal identifié

Une faute d’orthographe dans le nom du bénéficiaire ou l’utilisation d’une dénomination imprécise (ex. : « SARL Dupont » au lieu de « Société Dupont SARL ») peut rendre le chèque non encaissable, surtout si l’intitulé du compte bénéficiaire ne correspond pas.

5. Mention raturée ou illisible

Les ratures, surcharges ou mentions contradictoires (deux montants différents, plusieurs noms de bénéficiaires, etc.) peuvent susciter des doutes sur l’authenticité du chèque. La banque peut alors surseoir au paiement, voire refuser le traitement du chèque.


Que faire si vous recevez un chèque mal libellé ?

Si vous êtes bénéficiaire d’un chèque mal libellé, il est important d’adopter une démarche rigoureuse :

1. Ne pas l’encaisser immédiatement

Encaisser un chèque mal rédigé peut retarder inutilement l’opération, voire provoquer un rejet. Cela peut également vous exposer à des frais bancaires ou à des contestations futures.

2. Informer immédiatement l’émetteur

Contactez l’émetteur pour signaler l’erreur. Dans la majorité des cas, il pourra annuler le chèque et vous en établir un nouveau. Il devra récupérer le chèque initial, le rayer ou en demander l’annulation à sa banque.

3. Conserver une trace écrite

Il est prudent de formaliser l’échange par écrit (email ou lettre), surtout si le montant est élevé ou si vous êtes une entreprise. Cela permet d’établir votre bonne foi en cas de litige.


Que faire si vous êtes émetteur d’un chèque mal libellé ?

En tant qu’émetteur, vous avez tout intérêt à régulariser rapidement la situation pour éviter un retard de paiement, des pénalités contractuelles, ou une procédure de recouvrement.

1. Annuler le chèque erroné

Vous devez immédiatement demander à votre banque l’opposition pour erreur de libellé si le chèque a déjà été remis à l’encaissement. Attention : cette opposition doit être justifiée. En dehors des cas prévus par la loi (perte, vol, usage frauduleux), l’opposition pour erreur formelle est strictement encadrée.

2. Émettre un nouveau chèque

Préparez un nouveau chèque correctement rédigé, et remettez-le au bénéficiaire avec mention « remplace le chèque n°XXX annulé ». Cette démarche permet d’éviter tout malentendu si les deux chèques circulent simultanément.

3. Demander la restitution de l’ancien chèque

Vous êtes en droit d’exiger la restitution du chèque initial, pour éviter toute utilisation frauduleuse. En cas de refus, vous pouvez signaler à votre banque que ce chèque ne doit pas être honoré.


Quels recours en cas de litige ?

Un chèque mal libellé peut donner lieu à un contentieux si l’une des parties refuse de régulariser la situation ou si le paiement est bloqué durablement.

1. Tentative de résolution amiable

Avant toute démarche judiciaire, il est recommandé d’envoyer une mise en demeure par lettre recommandée à l’émetteur, en rappelant les faits et en demandant un nouveau chèque dans un délai précis.

2. Action en justice

Si le chèque constitue le seul mode de paiement prévu contractuellement (ex. : facture d’un artisan, acompte pour une prestation), le bénéficiaire peut engager une procédure d’injonction de payer, notamment si la somme due n’est pas contestée.

En cas de mauvaise foi manifeste, une action en responsabilité civile peut être intentée pour obtenir des dommages et intérêts.


Cas particuliers : chèque de banque et chèque sans provision

1. Chèque de banque mal libellé

Un chèque de banque est émis par une banque à la demande de son client. Il est garanti mais peut également être mal libellé. Dans ce cas, c’est l’établissement émetteur qui doit procéder à la régularisation. Le bénéficiaire doit impérativement le restituer, et un nouveau chèque doit être émis.

2. Chèque sans provision + mal libellé

Dans certains cas, un chèque mal libellé peut être accompagné d’une absence de provision. Cela complique encore plus le processus. Le bénéficiaire peut engager une procédure pour non-paiement, en sollicitant un certificat de non-paiement auprès de sa banque, puis en lançant une procédure judiciaire.


Conseils pratiques pour éviter les erreurs

Pour éviter les erreurs de libellé :

  • Remplissez toujours le chèque à l’encre noire ou bleue, sans rature ni surcharge.

  • Vérifiez l’orthographe exacte du nom du bénéficiaire (notamment pour les personnes morales).

  • Assurez-vous de la cohérence entre les montants en chiffres et en lettres.

  • Ne laissez jamais de ligne vide (ex. : « Payez à l’ordre de… ») : cela permettrait une falsification.

  • Signez le chèque de manière conforme à votre spécimen bancaire.

  • Ne postdatez jamais un chèque.

Pour les entreprises, l’automatisation ou le recours à des outils de génération sécurisée de chèques peut également limiter les erreurs.


Conclusion

Un chèque mal libellé n’est jamais un simple oubli anodin : il peut bloquer un paiement, créer une situation contentieuse et mettre en cause la responsabilité de l’émetteur ou du bénéficiaire. Dans un contexte juridique où la rigueur formelle reste de mise, il est essentiel de maîtriser les règles de rédaction et de réagir promptement en cas d’erreur. Une bonne communication entre les parties et une documentation précise permettent généralement de régulariser la situation à l’amiable, sans contentieux. Pour les montants élevés ou les situations contractuelles sensibles, il est recommandé de privilégier les moyens de paiement traçables et irrévocables, comme le virement bancaire, plus sécurisé et moins sujet aux erreurs formelles.

Ariane Contentieux
Ariane Contentieux est le spécialiste depuis 1981 du recouvrement amiable ou judiciaire des créances civiles et commerciales. Nous intervenons sur toute la France, quelle que soit la taille ou l'activité de votre entreprise. Nos honoraires sont calculées exclusivement au pourcentage des sommes recouvrées.