La procédure d’injonction de payer constitue un recours rapide et peu coûteux pour tout créancier souhaitant obtenir le paiement d’une créance certaine, liquide et exigible. Prévue aux articles 1405 et suivants du Code de procédure civile, elle permet au créancier d’obtenir, sans audience, une ordonnance portant injonction de payer rendue par le juge. Cependant, il arrive que le tribunal rejette la demande, ce qui peut surprendre le créancier mal préparé. Ce rejet n’est pas toujours définitif, et plusieurs options existent pour réagir efficacement. Cet article explore les causes possibles d’un rejet, les voies de recours, et les alternatives dont dispose le créancier pour faire valoir ses droits.
Comprendre l’injonction de payer
Avant d’examiner les suites d’un rejet, rappelons brièvement le principe de la procédure :
L’injonction de payer est une procédure judiciaire non contradictoire : le créancier dépose une requête auprès du greffe du tribunal compétent (tribunal judiciaire ou tribunal de commerce), accompagnée de pièces justificatives (factures, contrats, bons de commande, lettres de relance, etc.). Le juge statue sur dossier uniquement, sans convoquer le débiteur.
Si la créance est bien fondée, le juge rend une ordonnance portant injonction de payer que le créancier devra faire signifier au débiteur dans un délai de six mois. Ce dernier a alors un mois pour faire opposition. En cas de non-contestation, l’ordonnance devient exécutoire et permet le recouvrement forcé.
Rejet de la demande : quelles causes possibles ?
Le rejet d’une requête en injonction de payer peut être total ou partiel, et repose exclusivement sur l’appréciation du juge. Les principales causes de rejet sont les suivantes :
1. Créance mal fondée
Le juge rejette la requête s’il estime que la créance n’est pas suffisamment justifiée ou pas exigible. Par exemple :
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Facture sans bon de commande ou accusé de réception
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Absence de preuve de livraison ou de prestation effectuée
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Clause contractuelle conditionnant le paiement non remplie
2. Créance incertaine ou contestable
La procédure d’injonction de payer ne s’applique qu’aux créances non contestables en principe. Si le litige nécessite un débat de fond (mauvaise exécution, malfaçons, réclamation du client), le juge pourra estimer que le dossier relève d’une procédure contradictoire classique, et refuser l’ordonnance.
3. Montant de la créance imprécis
Le montant doit être déterminé avec exactitude. Une requête indiquant une somme « à compléter » ou « sous réserve de pénalités de retard calculées ultérieurement » sera rejetée pour absence de liquidité.
4. Vice de procédure
Une erreur de forme dans la requête (juridiction incompétente, absence de pièces, signature manquante, etc.) entraîne également un rejet, parfois sans instruction complémentaire.
Rejet de l’ordonnance : que peut faire le créancier ?
Le rejet d’une injonction de payer ne clôture pas définitivement le litige. Le créancier dispose de plusieurs recours ou alternatives procédurales, en fonction de la cause du rejet.
1. Redéposer une nouvelle requête
Si le rejet est dû à une erreur formelle ou un défaut de pièces, le créancier peut corriger le dossier et déposer une nouvelle requête, auprès du même tribunal.
Exemple : ajout d’un bon de livraison manquant, modification du montant, production d’un contrat.
Cette option est efficace dans les cas où le fond de la créance n’est pas contesté, mais où la présentation initiale a été jugée insuffisante.
2. Engager une procédure au fond
Lorsque la créance est contestée ou complexe, le rejet signifie que le juge considère que le dossier doit faire l’objet d’un procès contradictoire. Le créancier doit alors assigner le débiteur en référé ou au fond, selon le montant et la nature du litige.
Cette procédure, plus longue et coûteuse, permet aux deux parties de faire valoir leurs arguments devant le juge.
Le recours à un avocat est parfois obligatoire, notamment devant le tribunal judiciaire pour les créances supérieures à 10 000 €.
3. Tenter une résolution amiable
Avant d’engager une nouvelle procédure, il est parfois judicieux de tenter une résolution amiable du litige, par exemple par :
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Une mise en demeure motivée, pour inciter le débiteur à s’exécuter volontairement.
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Une négociation directe, en proposant un échéancier ou un compromis.
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Le recours à la médiation ou à un conciliateur de justice, solution gratuite et rapide.
Cette stratégie est particulièrement adaptée lorsque la somme en jeu est modeste ou que le débiteur est de bonne foi.
Le rejet est-il susceptible d’appel ?
Non. L’ordonnance de rejet n’est pas une décision juridictionnelle au sens classique. Il s’agit d’une décision unilatérale du juge statuant sur la recevabilité de la requête. Elle ne peut donc pas faire l’objet d’un appel ni d’un recours gracieux.
En revanche, rien n’empêche le créancier de :
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Redéposer une nouvelle requête, mieux argumentée ;
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Assigner le débiteur au fond, devant le tribunal compétent.
Conséquences pratiques du rejet
Le rejet d’une injonction de payer peut générer un découragement ou un retard dans le processus de recouvrement. Toutefois, il est important de noter que :
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Le rejet ne remet pas en cause le droit à être payé, il ne fait que refuser la voie simplifiée.
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Les frais de dépôt de la requête sont modiques (ou gratuits dans certaines juridictions).
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La créance reste juridiquement valable, tant qu’elle n’est pas prescrite (5 ans pour les dettes commerciales ou civiles).
Il convient donc d’agir rapidement pour préserver ses droits.
Bonnes pratiques pour éviter le rejet
Pour maximiser les chances d’obtenir une ordonnance d’injonction de payer, il est recommandé de :
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Joindre des preuves claires et datées (contrat, commande, facture, relance, échanges écrits)
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Vérifier la liquidité, l’exigibilité et la certitude de la créance
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Éviter tout montant approximatif ou clause conditionnelle
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Rédiger une requête lisible et rigoureuse, avec toutes les mentions légales
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S’assurer de la compétence territoriale et matérielle du tribunal saisi
En cas de doute, l’accompagnement par un professionnel du droit (avocat, juriste, huissier) est recommandé.
Conclusion
Le rejet d’une ordonnance d’injonction de payer ne signifie pas que le créancier est privé de tout recours. Il marque simplement la fin de la tentative par la voie simplifiée. Il appartient alors au créancier de analyser les motifs du rejet, d’en tirer les conséquences, et d’engager, si nécessaire, une procédure au fond plus classique. Le bon sens, la réactivité et la rigueur documentaire sont les clés d’un recouvrement efficace, même après un échec initial.
