Vous avez un impayé ? Guide complet à destination des chefs d’entreprise
L’impayé, ou le défaut de paiement d’un client à l’échéance prévue, est l’un des risques majeurs auxquels sont confrontées toutes les entreprises, quels que soient leur taille, leur secteur ou leur modèle économique. Qu’il s’agisse d’une TPE, d’une PME ou d’une société intermédiaire, le retard ou l’absence de règlement peut rapidement avoir des conséquences sérieuses sur la trésorerie, la rentabilité et la continuité de l’activité.
Selon l’Observatoire des délais de paiement, plus d’une entreprise sur deux a déjà subi au moins un impayé significatif. Face à cette réalité, la question n’est pas de savoir si vous y serez confronté, mais comment réagir efficacement lorsqu’un client ne respecte pas ses engagements. Cet article a pour vocation de vous fournir un panorama complet et stratégique des actions à mener en cas d’impayé, du simple retard de paiement à la procédure judiciaire, en passant par les outils préventifs, la gestion amiable et les recours juridiques.
Identifier et qualifier un impayé
Définition de l’impayé
Un impayé est une facture échue qui n’a pas été réglée dans le délai contractuel prévu. Il peut s’agir :
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d’un retard de paiement (au-delà de la date d’échéance convenue) ;
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d’un non-paiement partiel ou total, sans contestation apparente ;
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d’un litige commercial masquant un refus de règlement.
Dans tous les cas, l’entreprise créancière est confrontée à une interruption de la relation financière, avec des effets potentiellement préjudiciables sur sa trésorerie.
Identifier les signaux faibles
Avant même l’échéance, certains indices peuvent alerter :
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demandes de reports ou d’échelonnements ;
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changement brutal d’interlocuteur ;
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absence de réponse aux relances préalables ;
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ralentissement de l’activité chez le client (baisse de commandes, communication floue, etc.).
Être attentif à ces signaux permet souvent de réagir plus rapidement.
Agir dès les premiers retards : la relance amiable
Étape 1 : la relance préventive
Avant l’échéance, il est recommandé de mettre en place une relance préventive pour rappeler au client la date limite de paiement. Cette démarche professionnelle limite les oublis ou les retards involontaires.
Exemple : un e-mail ou appel 5 jours avant l’échéance pour confirmer la réception de la facture et rappeler les modalités.
Étape 2 : la relance amiable
Dès le lendemain de l’échéance, il faut passer à la relance amiable structurée. Cette phase comporte plusieurs niveaux :
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1ère relance : courtoise, par téléphone ou e-mail ;
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2e relance : plus ferme, mentionnant l’échéance dépassée et la mise en demeure à venir ;
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3e relance : envoi d’une mise en demeure en lettre recommandée avec AR, rappelant les conséquences juridiques.
Cette progression doit être documentée, datée, et archivée : elle servira de preuve en cas de procédure ultérieure.
Mention de l’indemnité forfaitaire
Conformément à l’article L441-10 du Code de commerce, toute facture impayée entraîne de plein droit une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 € (hors pénalités de retard). Il est important de la mentionner explicitement dans les CGV et de la rappeler dans vos courriers de relance.
Vérifier la situation juridique du débiteur
Avant d’entamer une procédure formelle, il est utile de vérifier la situation du client :
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Est-il toujours immatriculé (via Pappers, Infogreffe…) ?
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Est-il en procédure collective (redressement ou liquidation) ?
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A-t-il d’autres créanciers déclarés ?
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A-t-il changé de siège ou de gérant ?
Ces éléments conditionnent la stratégie à adopter. Par exemple, s’il est en liquidation judiciaire, la créance doit être déclarée au mandataire dans un délai de 2 mois. Si le client est solvable, une action en justice reste envisageable.
Choisir la bonne stratégie de recouvrement
Recouvrement amiable externalisé
Si les relances internes sont restées infructueuses, vous pouvez confier le dossier à un cabinet de recouvrement. Ces professionnels mènent des relances téléphoniques, écrites et parfois des visites sur place.
Avantages : gain de temps, pression accrue sur le débiteur, coût maîtrisé (rémunération au résultat dans de nombreux cas).
Assurez-vous toutefois que le cabinet respecte le cadre légal du recouvrement amiable, sous peine de nullité des démarches.
Action judiciaire : injonction de payer
En l’absence de réaction du client, l’injonction de payer est la procédure judiciaire la plus simple pour un créancier. Elle permet, sans audience, d’obtenir une ordonnance du juge qui peut être rendue exécutoire si le débiteur ne fait pas opposition.
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Compétence : tribunal de commerce (B2B) ou judiciaire (B2C)
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Délais : 4 à 12 semaines selon les juridictions
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Coût : modéré (frais de greffe, huissier, parfois avocat)
En cas d’opposition du débiteur, la procédure devient contradictoire.
Assignation au fond
Si l’injonction est inadaptée (montant élevé, contestation annoncée, clause contractuelle complexe), une assignation au fond permet d’obtenir un jugement après débat contradictoire. Cette voie est plus longue (6 mois à 2 ans), mais indispensable dans certains cas.
Gérer les cas particuliers
Le client est en difficulté financière
Si le client est en redressement ou liquidation judiciaire, l’approche change :
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Vous ne pouvez plus agir individuellement.
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Vous devez déclarer votre créance auprès du mandataire judiciaire dans les 2 mois.
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Le recouvrement dépendra du plan de continuation ou du produit de liquidation.
Dans la majorité des cas, seules les créances privilégiées ou garanties (URSSAF, salariés, créanciers hypothécaires) seront partiellement réglées.
Le client conteste la facture
En cas de litige commercial sur le montant ou la qualité de la prestation, il faut rassembler tous les éléments contractuels :
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CGV, devis signé, bon de livraison, factures
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Échanges écrits (e-mails, messages)
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Attestations de collaborateurs ou d’experts
Un médiateur ou une procédure participative peut être envisagée avant de saisir le juge.
Préparer l’exécution forcée
Une fois un titre exécutoire obtenu (jugement, ordonnance d’injonction devenue définitive), l’huissier de justice peut procéder à :
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une saisie sur compte bancaire (saisie-attribution) ;
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une saisie-vente de biens mobiliers ;
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une saisie des créances détenues par des tiers (ex. : clients du débiteur) ;
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un commandement de payer.
Ces mesures sont efficaces si le débiteur est solvable. Dans le cas contraire, le recouvrement peut échouer malgré le jugement obtenu.
Anticiper pour mieux se protéger
Un impayé coûte cher : non seulement par la perte financière, mais aussi par le temps mobilisé, les frais annexes et la perturbation de l’activité. Il est donc crucial de mettre en place une politique de prévention.
Élaborer des CGV solides
Les conditions générales de vente sont votre socle juridique. Elles doivent inclure :
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modalités de paiement (délais, acomptes, échéances)
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pénalités de retard (minimum légal : taux BCE + 10 points)
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indemnité forfaitaire de recouvrement (40 €)
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clause attributive de compétence (tribunal compétent en cas de litige)
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clause de réserve de propriété (en cas de vente de biens)
Vérifier la solvabilité des clients
Avant tout engagement, il est recommandé de :
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consulter des bases de données financières (Score3, Altares, Kompass) ;
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exiger un extrait Kbis à jour ;
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demander des acomptes ou garanties.
Utiliser l’assurance-crédit
Pour les créances importantes ou les marchés export, l’assurance-crédit (Coface, Atradius, Euler Hermes) permet d’être indemnisé en cas de non-paiement. Elle peut couvrir :
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les retards prolongés ;
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l’insolvabilité du client ;
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les risques politiques à l’international.
Aspects comptables et fiscaux des impayés
Créance douteuse vs créance irrécouvrable
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Une créance douteuse est une créance dont le recouvrement est incertain.
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Une créance irrécouvrable est définitivement perdue (client en liquidation, jugement inexécuté, etc.).
Les entreprises doivent provisionner les créances douteuses et passer en pertes les irrécouvrables, conformément au Plan Comptable Général.
TVA sur les impayés
La TVA collectée sur une facture impayée peut être récupérée si certaines conditions sont remplies :
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existence d’un titre exécutoire ou d’un acte constatant l’échec du recouvrement (PV d’huissier, carence du mandataire judiciaire) ;
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rectification de la base imposable dans un délai de 5 ans.
Le mécanisme implique l’émission d’une facture rectificative, avec mention « annule et remplace ».
Le rôle des professionnels du recouvrement
Plusieurs acteurs peuvent vous assister :
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Cabinets de recouvrement : relances et négociation, obtenez un devis sans engagement
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Avocats spécialisés : gestion des litiges complexes ou judiciaires
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Huissiers de justice : exécution forcée et constats
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Experts-comptables : traitement comptable et fiscal des créances
Externaliser le recouvrement permet de gagner en efficacité, tout en vous concentrant sur le cœur de votre activité.
Conclusion
En tant que chef d’entreprise, vous êtes régulièrement confronté à la gestion du risque client. Un impayé ne doit pas être banalisé ni traité dans l’urgence : il appelle une stratégie rigoureuse, graduée et documentée, depuis la première relance jusqu’à l’exécution forcée si nécessaire.
La clef d’une gestion efficace des impayés repose sur trois piliers :
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La prévention : sélection des clients, contractualisation solide, garanties
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La réactivité : relances, documentation, respect des délais de prescription
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L’accompagnement professionnel : partenaires compétents et réactifs
Dans un environnement économique instable, maîtriser la chaîne du recouvrement est un levier essentiel de résilience financière pour votre entreprise. N’attendez pas qu’un impayé devienne un contentieux coûteux : agissez avec méthode, et transformez chaque incident de paiement en opportunité de renforcer vos process.
